LES RELATIONS IVOIRO-CONGOLAISES DANS LA CONSOLIDATION DE L’UNITÉ AFRICAINE (1968-1986)
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- 12 juil.
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Konan Donald KOFFI
Enseignant-Chercheur, Université Félix Houphouët Boigny de Cocody-Abidjan,
E-mail : konandodo@gmail.com

Résumé
Les relations entre la Côte d’Ivoire et la République Démocratique du Congo portent fortement l’empreinte de deux illustres chefs d’Etat : Félix Houphouët-Boigny et Mobutu Sese Seko. Si le premier est qualifié de « sage de l’Afrique », le second quant à lui, fait la promotion du concept de l’« authenticité ». Cette contribution vise à mettre en évidence l’impact des relations personnelles des chefs d’Etat sur les relations inter- Etats, et l’état d’esprit de leurs peuples. Les relations internationales ou l’histoire diplomatique, à l’origine, privilégiaient aussi l’étude des relations entre hommes d’Etat. Pierre Renouvin (1893-1974) et son disciple Jean-Baptiste Duroselle, dans leur ouvrage, L’introduction à l’histoire des relations internationales, en 1964, ont accordé une place de choix à l’homme d’Etat dans l’élaboration de la théorie des forces profondes (Claude Gauvard, Jean-François Sirinelli, 2015, p.359). La relation fusionnelle entre les deux chefs d’Etat a posé les jalons de la coopération ivoiro-congolaise, et consolidé les liens entre les deux peuples dans les domaines de la culture, du sport, des activités parlementaires et syndicales, et surtout de la relation matrimoniale contractée entre le filleul du président ivoirien et la fille du président zaïrois. L’analyse critique des sources du quotidien ivoirien, Fraternité Matin, permet de retracer les grands domaines de coopérations entre les deux pays. Cette étude permet de comprendre que la paix tant recherchée entre les peuples ne serait être possible, à condition que les chefs d’Etat entretiennent entre eux des relations cordiales.
Mots clés : relations ivoiro-congolaises, unité africaine, authenticité, paix, dialogue
Summary
Relations between Ivory Coast and the Democratic Republic of Congo bear the strong imprint of two illustrious heads of state : Félix Houphouët-Boigny and Mobutu Sese Seko. If the first is described as the “sage of Africa”, the second promotes the concept of “authenticity”. This contribution aims to highlight the impact of the personal relationships of heads of state on inter-state relations, and the state of mind of their people. International relations or diplomatic history, originally, also favored the study of relations between statesmen. Pierre Renouvin (1893-1974) and his disciple Jean-Baptiste Duroselle, in their work, The introduction to the history of international relations, in 1964, gave a prominent place to the statesman in the development of the theory of deep forces (Claude Gauvard, Jean-François Sirinelli, 2015, p.359). The close relationship between the two heads of state laid the foundations for Ivorian-Congolese cooperation, and consolidated the links between the two peoples in the fields of culture, sport, parliamentary and union activities, and especially the matrimonial relationship contracted between the godson of the Ivorian president and the daughter of the Zairian president. The critical analysis of the sources of the Ivorian daily newspaper, Fraternité Matin, makes it possible to trace the major areas of cooperation between the two countries. This study allows us to understand that the much sought-after peace between peoples would not be possible, provided that the heads of state maintain cordial relations between them. Keywords: Ivorian-Congolese relations, African unity, authenticity, peace, dialogueINTRODUCTION
Les relations internationales sont régies par la dialectique de la puissance et du droit. Les Etats puissants imposent leur loi, leur dictat dans divers domaines : économie, politique, militaire, culture etc. Elles sont aussi gouvernées par le droit international (F. Meledje Djedjro, 2010, p.10). L’objet des relations internationales est l’étude des rapports entre Etats. Ces questions se rapportent à la coopération, aux échanges de représentation diplomatique, de la création des organisations intergouvernementales.
Mais les rapports de bons offices entre Etats ne sauraient se consolidés sans tenir compte au préalable des rapports entretenus par les dirigeants des Etats en question. C’est la raison pour laquelle Pierre Renouvin (1893-1974) et son disciple Jean-Baptiste Duroselle (1917-1994), dans leur ouvrage, L’introduction à l’histoire des relations internationales, en 1964, ont accordé une place de choix à l’homme d’Etat dans l’élaboration de la théorie des forces profondes (Claude Gauvard, Jean-François Sirinelli, 2015, p.359). En d’autres termes, les relations cordiales entre deux Etats sont toujours subordonnées à l’entente cordiale des chefs d’Etat en question.
La relation fusionnelle entre Félix Houphouët-Boigny et Mobutu Sese Seko confirme parfaitement la règle. Leur entente cordiale a dépeint sur les relations ivoiro-congolaises dans divers secteurs tels que la diplomatie, l’économie, la culture, le sport etc. Le début de ces relations entre les deux chefs d’Etat date de la mémorable visite officielle effectuée par le président Mobutu Sese Seko en Côte d’Ivoire en janvier 1968, trois ans après son accession à la tête du pays (Fraternité Matin, 1977, p.1). Le président Félix Houphouët-Boigny s’est également rendu de nombreuses fois en visite au Zaïre, sans toutefois occulter les visites privées du président zaïrois dans les résidences privées du chef d’Etat ivoirien en France et en Suisse, lorsqu’ils devaient ensemble aborder des questions importantes telles que les crises en Afrique centrale et australe. Ces relations cordiales atteignent leur apothéose avec l’alliance matrimoniale scellée entre le filleul du président ivoirien et la fille de son homologue zaïrois en 1986 à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Les deux chefs d’Etat, à priori, semblent être opposés à divers points. Le président Félix Houphouët-Boigny, homme politique qui a toujours prôné les valeurs telles que la démocratie, la paix, le dialogue, et surtout la collaboration avec la puissance coloniale, la France. Il accède au pouvoir par le jeu démocratique. A l’opposé, le président Mobutu, militaire de formation, accède au pouvoir par un coup d’Etat militaire, après avoir renversé les dirigeants démocratiquement élus, avec l’appui de l’ancienne puissance colonisatrice, la Belgique. Comment ces deux chefs d’Etat, ayant des profils différents, arrivent-ils à élaborer une vision commune dans la construction de l’unité africaine ?
Cette contribution vise à mettre en évidence le rôle fondamental de l’entente cordiale entre les chefs d’Etat dans la construction des relations enter-Etats, et surtout dans la dynamique des échanges entre les différents peuples.
Les sources utilisées pour l’élaboration de ce travail sont essentiellement composées des articles du quotidien ivoirien, Fraternité Matin. En plus de ces sources, des ouvrages de référence ont été exploités pour élaborer le cadre théorique de cette étude. L’exploitation critique de cette documentation nous permet de construire la trace autour de deux axes. La première partie aborde la voie diplomatique dans la résolution des conflits en Afrique australe et centrale. Quant au second axe, il analyse les autres domaines de coopération.
1. La voie diplomatique dans la résolution des conflits en Afrique australe et centrale
Les deux chefs d’Etat partagent la même vision dans la résolution des conflits en Afrique, celle de la négociation avec les belligérants plutôt de que les moyens militaires.
1.1. La question de l’apartheid en Afrique du Sud
Lors de la session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies du 13 novembre 1970, le porte-parole de la délégation ivoirienne préconisait le dialogue et la persuasion dans la résolution du problème sud-africain. Cette position est consécutive à celle du ministre ivoirien des Affaires étrangères, Usher Assouan qui estimait que « le devoir de la Côte d’Ivoire est de ne pas se laisser entraîner dans un conformisme étouffant mais plutôt d’amener à revenir à la pratique de la diplomatie traditionnelle des contacts » (Kouadio Guessan, 2014, p.103).
Ainsi, le 28 avril 1971, devant 126 journalistes venus du monde entier, Félix Houphouët- Boigny confirme une fois sa thèse. Pour lui la réalisation de l’unité africaine est subordonnée d’abord à la paix à l’intérieur des Etats africains, puis la paix entre les Etats africains, enfin, la paix entre les Etats africains et le reste du monde. Selon le chef d’Etat ivoirien, cette posture diplomatique vise à préserver l’Afrique d’une guerre qui opposerait Blancs d’Afrique du Sud et des troupes coalisées des Etats africains.
Mais cette proposition est rejetée en bloc par ses pairs, et surtout par la session des ministres de l’OUA, tenue du 15 au 19 juin 1971, estimant que les conditions du dialogue n’étaient pas réunies. Le sommet des chefs d’Etat de l’OUA, du 22 juin 1971, rejeta également la proposition et condamnant son principe.
Malgré ce front général contre la proposition de dialogue dans la résolution du problème sud-africain, une voix discordante, non pas des moindre, celle du Zaïre apparaît comme une lueur d’espoir pour Félix Houphouët-Boigny. En effet, le ministre des Affaires étrangères du Zaïre, Mokolo Wa Mpombo, a affirmé que « on ne peut pas résoudre le problème de l’apartheid par la force. Je ne voie pas les pays africains confrontés à de multiple problèmes, engagés une guerre contre l’Afrique du Sud » (Michel Kouamé, 1985, p.5).
Par cette déclaration du ministre des Affaires étrangères zaïroises, l’on peut affirmer, sans toutefois se méprendre que le président zaïrois, Mobutu Sese Seko, était admiratif de l’idéologie du président ivoirien, selon laquelle, « le dialogue est l’arme des forts ». Pour le ministre zaïrois, le dialogue avec l’Afrique du Sud signifie des contacts, lui montrer que les Noirs vivent en harmonie avec la communauté blanche. La position des deux Etat n’a pas du tout variée dans la gestion des crises en Afrique australe et centrale.
1.2. La résolution des crises angolaises et mozambicaines
La situation était explosive au lendemain des indépendances des colonies lusophones en Afrique australe. En effet, l’Angola et le Mozambique, ayant des gouvernements marxistes lors de leur accession à l’indépendance en 1975, heurtaient de facto la sensibilité de l’Afrique du Sud, d’obédience capitaliste. L’Afrique du Sud crée donc des mouvements de libération dans ces pays dans l’optique d’installer des gouvernements capitalistes. C’est le cas de la Résistance nationale du Mozambique (Renamo) en 1976 au Mozambique. Ces troupes étaient estimées entre 9000 et 11000 hommes. Ils ont été recrutés pour la majorité, entre les membres de l’armée coloniale portugaise (C.V. Garnier, 1987, p.45). En Angola, les forces en présence étaient principalement les unités sud-africaines de 3000 hommes, combattant aux côtés des forces de l’Unita de Jonas Savimbi, estimées à 10 000 combattants. Le gouvernement du Docteur Agostino Neto du Mouvement pour la libération de l’Angola (Mpla), avec ses 20 000 hommes, était soutenu par un dispositif cubain de 50 000 personnes. Il recevait du matériel militaire de l’Urss. Ce sont des chars T-SS et surtout un système aérien très élaboré (G.Lory, 1990, p.182).
Le Zaïre, immense territoire, partage près de 2600 km de frontière avec l’Angola, le Rwanda et le Burundi, des Etats en proie à l’instabilité politique (Fraternité Matin, 1988, p.24). D’ailleurs le martiniquais Franz Fanon ne disait-il pas que « l’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette est au Zaïre » (Fraternité Matin, 1988, p.1). D’où la nécessité de la recherche d’une solution pacifique dans la résolution des conflits par le Zaïre dans la sous-région australe. Cette option est confirmée par le ministre des Affaires étrangères ivoirien, Simon Aké en ces termes :
« la Côte d’Ivoire et le Zaïre privilégient le dialogue et la négociation pour le règlement pacifique des conflits qui affectent l’Afrique, en particulier l’Afrique centrale et australe. Il a appelé à la réconciliation nationale de tous les fils de l’Angola (Mpla, Unita) par un dialogue fraternel car le peuple angolais a soif de la paix » ((Fraternité Matin, 1988, p.1).
Le cas du Tchad, un pays important pour la sécurité de l’Afrique centrale, suscite également l’intervention diplomatique de la Côte d’Ivoire et du Zaïre.
1.3. Le rôle des deux Etats dans l’imbroglio tchadien
Les deux chefs d’Etat ont adopté une position commune sur la question tchadienne. Les présidents Félix Houphouët-Boigny et Mobutu Sese Seko, avant le mini-sommet franco-africain sur le Tchad, ont harmonisé leurs points de vue lors d’un entretien en tête à tête à la résidence privée parisienne du chef de l’Etat ivoirien. En effet, le Zaïre était présent au Tchad avec ses troupes pour préserver l’intégrité territoriale menacée par la Libye (Fraternité Matin, 1984, p.1).
L’origine du différend remonte à la signature en 1935 d’un traité entre Pierre Laval et Benito Mussolini, prévoyant la cession par la France à l’Italie de la bande d’Aozou au sud de la frontière tchado-libyenne. Bien que le traité n’ait pas été ratifié, il servit de prétexte au colonel Kadhafi pour intervenir au Tchad, arborant surtout le prétendu traité signé par le président François Tombalbaye, qui aurait reconnu les prétentions libyennes sur ce territoire en échange d’une aide financière conséquente.
En effet, l’accord de décembre 1972 entre le colonel Kadhafi et Tombalbaye stipule la fin du soutien libyen au Front de libération nationale du Tchad et un appui financier de 23 milliards de Fcfa au régime tchadien. La Libye obtient en échange, par une clause secrète, la reconnaissance par le Tchad de l’accord Laval-Mussolini de 1935. Les troupes libyennes occupèrent aussitôt la bande d’Aouzou (100 000 km2) en 1980. Mais le président libyen ne respecta pas ses engagements financiers et politiques (Elikia M’Bokolo, 2012, p.123). Stratégiquement, cette zone renferme des ressources inexploitées en uranium et manganèse, et la possibilité de réserves pétrolières.
En somme, sur les questions diplomatiques, les deux Etats ont toujours adopté des positions communes. Cette proximité diplomatique constitue un levier essentiel pour orienter la coopération dans les domaines économique, parlementaire, syndical, culturel, sportif et familial.
2. Les autres domaines de coopération ivoiro-congolaise
Divers domaines de coopération ont été scrutés par les deux gouvernements. Ce sont entre autres l’économie, les missions parlementaires et syndicales la culture, le sport et les relations familiales
2.1. Les domaines économiques et commerciaux
Les échanges économiques et commerciaux entre les deux Etats se déroulent dans un cadre légal et privilégié : la Grande Commission Mixte. Les activités de la première Grande Commission ont eu en 1981 à Kinshasa. Mais les résolutions de cette dernière sont restées sans suite. Les échanges commerciaux entre les deux pays ne représentaient que 0,04% en 1983.
Pour le ministre zaïrois, les deux pays n’ont pas atteint les objectifs de la coopération malgré la signature de six accords de coopération qui s’étendent sur l’ensemble des activités économiques, sociales et culturelles (Geoffroy Baillet, 1985, p.7).
Les travaux de la deuxième Commission Mixte zairo-ivoirienne en 1985 à Abidjan
BAILLET Geoffroy, 1985, « 2e Commission Mixte zairo-ivoirienne, déterminer les domaines d’échanges », Fraternité Matin, 10 avril 1985, p.7.
Les domaines prioritaires d’échange qui font l’objet de signature d’accord par les deux délégations concernent la suppression de visas aux détenteurs de passeports diplomatiques et de service, les échanges commerciaux, les transports et les communications. Il était aussi question à ce sujet de l’établissement de contacts directs entre opérateurs économiques ; la création d’une chambre de commerce mixte zaïro-ivoirienne. Dans le domaine des transports et des télécommunications, la partie zaïroise a souhaité la mise en place d’une liaison aérienne, facilitant la circulation des personnes et des biens. Par ailleurs, l’établissement d’une liaison téléphonique automatique, le développement des secteurs tels que l’agro-industriels, la pêche maritime, la culture et la recherche scientifique ont été minutieusement scrutés par les experts des deux Etats (Geoffroy Baillet, 1985, p.7). Au-delà des échanges économiques et commerciaux, des missions parlementaires, syndicales et sportives ont meublé cette coopération bilatérale.
2.2. Les domaines parlementaires, syndicaux et sportifs
La mission parlementaire conduite en Côte d’Ivoire par le citoyen Bo-Boliko Lokonga, président du Conseil législatif du Zaïre, le 13 avril 1974, s’inscrivait dans le cadre de la recherche des solutions en vue de l’unité africaine, du rapprochement législatif des pays africains afin d’épauler les chefs d’Etat.
Le président du parlement zaïrois le citoyen Bo-Boliko reçu par le président de l’Assemblée nationale Philippe Yacé à Abidjan
Fraternité Matin, 1974, « Sur le chemin du retour, Zoma à Abidjan pour le président Bo-Boliko », Fraternité Matin, 16 avril 1974, p.2.
Reçu par le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Philippe Yacé, le président du parlement zaïrois n’était pas à sa première visite, étant donné qu’il a effectué une première visite parlementaire en Côte d’Ivoire du 25 février au 5 mars 1974 (Fraternité Matin, 1974, p.2).
Au niveau syndical, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs zaïrois (Untza), le citoyen Kikongi Di Mwinsa effectua une visite de travail à Abidjan, le 07 mars 1974. Selon le leader syndicaliste, sa présence s’inscrit dans le cadre du renforcement des relations fraternelles et amicales entre l’Untza et l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (Ugtci). En effet, les deux syndicats ont toujours adopté les mêmes positions dans les conférences internationales. La délégation zaïroise a été reçue par le secrétaire de l’Ugtci, Joseph Coffie, et certains membres de son Conseil exécutif, Adé Mensah et Thaud Alexandre, ainsi que Omari, premier secrétaire de l’ambassade de Zaïre (Fraternité Matin, 1974, p.1).
Le secrétaire général de l’Untza, le citoyen Kikongi Di Mwinsa en visite à Abidjan
Fraternité Matin, 1974, « Syndicalistes zairois à Abidjan : renforcer l’amitié entre Untza et Ugtci », Fraternité Matin, 3 mars 1974, p.1.
Les relations sportives entre les deux pays se matérialisent à travers la formation des cadres sportifs zaïrois à l’Institut national de la jeunesse et du sport (Injs). De surcroît, des personnalités sportives furent honorées pendant cette période, notamment, la remise de médaille de l’ordre sportif zaïrois au ministre de la jeunesse et des sports, Laurent Dona-Fologo, dans la salle des fêtes de l’hôtel ivoire. Cette cérémonie fut organisée par l’ambassadeur, son excellence, le citoyen Louya Londoalé, le qualifiant de « pilier sportif africain, infatigable, inégalable et dynamique » depuis 1978 pour l’épanouissement de la jeunesse ivoirienne (Ouattara Hégaud, 1986, p.16). Ces relations cordiales entre ces deux gouvernements se traduisent en relations familiales entre les présidents Félix Houphouët-Boigny et Mobutu Sese Seko.
2.3. Des relations familiales entre les deux chefs d’Etat
Ces relations sont bâties pour une bonne partie sur des valeurs africaines dans la mesure où ces deux chehs d’Etat sont foncièrement attachés à la tradition. Le président Mobutu avait beaucoup d’estime pour le président Félix Houphouët-Boigny, le qualifiant de « dernier des sages », de « doyen des chefs d’Etat d’Afrique ». C’est pourquoi il lui rendait régulièrement visite dans ces résidences privées de Suisse et de France. Ainsi, pour honorer son aîné, le nom du président ivoirien fut donné à la deuxième promotion d’un groupe de sous-lieutenants sortis de l’Ecole de formation et d’application des troupes blindées (Efatbl). Pour rappel, cette école a été créée en 1969 à l’initiative des autorités zaïroises. Elle est située à 150 km de la capitale à M’Banza Ngungu. La première promotion de cette école a porté le nom du président Mobutu Sese Seko. L’école forme plusieurs officiers africains : Mauritaniens, Togolais, Béninois, Tchadiens, Centrafricains, Nigériens, Gabonais et Zairois (Fraternité Matin, 1986, p.29).
Le président Félix Houphouët-Boigny reçoit ses filleuls à sa résidence à Yamoussoukro
KOUASSI Kokoré, 1986, « Le chef à ses filleuls : soyez des combattants de la paix », Fraternité Matin, 29 septembre 1986, p.8.
Recevant les 24 sous-officiers en sa résidence de Yamoussoukro, le président Félix Houphouët-Boigny leur a prodigué de sages conseils en ces termes :
« on a coutume de dire qui veut la paix, prépare la guerre. Je pense qu’on doit dire inverser les termes de cet adage : qui veut la paix prépare la paix. Nous ne voudrions pas que vous soyez les anciens combattants de telle guerre, mais les combattants permanents pour le triomphe de la paix entre les hommes » (Kouassi Kokoré, 1986, p.8).
Aussi le club de soutien au président Mobutu fut-il créé à Abidjan par les jeunes ivoiriens et zairois, en présence des ministres Laurent Dona Fologo et Lamine Fadiga. Celui dédié au président Félix Houphouët-Boigny au Zaïre est prévu pour une prochaine occasion à Kinshasa. Ces clubs ont pour objectifs d’entretenir les relations ivoiro-zaïroises. Ils se veulent un cadre de réflexion sur la pensée et l’œuvre politique des concernés (Léon Lebry, 1986, p.5).
Pour couronner le tout, des relations matrimoniales sont scellées entre les deux chefs d’Etat. Il s’agit du mariage de M.M’Bahia Blé Serge Louis François (27 ans), directeur de société, et Mlle Mobutu N’Gawali Wawi Lélé (24 ans), diplomate.
Le mariage de M.M’Bahia Blé Serge Louis François et Mlle Mobutu N’Gawali Wawi Lélé
N’CHO Jean, 1986, « Le coin du bonheur, M. M’Bahia Blé Serge et Mlle Mobutu N’Gawali unis pour la vie », Fraternité Matin, 20-21 décembre 1986, p.6
Ces deux jeunes se sont rencontrés à Washington où ils effectuaient leurs études. Cette union a été scellée en présence des deux chefs d’Etat à l’hôtel de ville d’Abidjan. Après la cérémonie civile, la bénédiction nuptiale fut donnée par le cardinal Yago Bernard (N’Cho Jean, 1986, p.6). Au-delà de cette union, il s’agissait en réalité de la consolidation des relations entre ces deux chefs d’Etat
CONCLUSION
La qualité des relations ivoiro-congolaises portent l’empreinte de deux chefs d’Etat, les présidents Félix Houphouët-Boigny et Mobutu Sese Seko. Cette dynamique a été possible car les deux chefs d’Etat ont su construire une alliance cordiale entre eux autour des valeurs communes qu’ils partagent, en l’occurrence le recours au dialogue dans la résolution des conflits.
L’impact de cette entente fusionnelle est évident sur des domaines de coopération diplomatique, économique, culturelle, parlementaire, syndicale, militaire, sportive, familiale. C’est un modèle de collaboration entre chefs d’Etat à promouvoir sur le continent africain où les attaques verbales entre chefs d’Etat exacerbe les tensions entre les différents peuples. Ce modèle de coopération qui prend ses sources dans des valeurs intrinsèques de l’Afrique est gage de stabilité et sécurité politique.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Les articles du quotidien Fraternité Matin
Fraternité Matin, 1974, « Syndicalistes zairois à Abidjan : renforcer l’amitié entre Untza et Ugtci », Fraternité Matin, 3 mars 1974, p.1.
Fraternité Matin, 1974, « Sur le chemin du retour, Zoma à Abidjan pour le président Bo-Boliko », Fraternité Matin, 16 avril 1974, p.2.
Fraternité Matin, 1977, « Le ministre des Affaires étrangères a réaffirmé l’amitié ivoiro-zairoise, Fraternité Matin, 1août 1977, p.1.
Fraternité Matin, 1984, « 2e rencontre hier entre les présidents Houphouët et Mobutu », Fraternité Matin, 6 octobre 1984, p.1.
Fraternité Matin, 1986, « Le président Mobutu en visite à Yamoussoukro », Fraternité Matin, 10 août 1986, p.29.
Fraternité Matin, 1988, « Porteur d’un message hier du président Mobutu, M.Kari-i-Bond reçu par le chef de l’Etat », Fraternité Matin, 2 septembre 1988, p.24.
Fraternité Matin, 1988, « Côte d’Ivoire-Zaire, Kiri-i-Bond en visite chez nous », Fraternité Matin, 2 septembre 1988, p.1.
BAILLET Geoffroy, 1985, « 2e Commission Mixte zairo-ivoirienne, déterminer les domaines d’échanges », Fraternité Matin, 10 avril 1985, p.7.
KOUAME Michel, 1985, « M.Mokolo Wa Mpombo : dialoguer, ce n’est pas adopter la position de l’autre », Fraternité Matin, 17 avril 1985, p.5.
KOUASSI Kokoré, 1986, « Le chef à ses filleuls : soyez des combattants de la paix », Fraternité Matin, 29 septembre 1986, p.8.
LEBRY Léon, 1986, « Le club Mobutu Sese Seko, un organe de contact entre Ivoiriens et Zairois », Fraternité Matin, 30 septembre 1986, p.5.
N’CHO Jean, 1986, « Le coin du bonheur, M. M’Bahia Blé Serge et Mlle Mobutu N’Gawali unis pour la vie », Fraternité Matin, 20-21 décembre 1986, p.6.
OUATTARA Hégaud, 1986, « En recevant les insignes de commandement du mérite sportif zairois, le ministre Fologo, le président Mobutu est la chance du Zaire », Fraternité Matin, 21 février 1986, p.16.
2. Les ouvrages de références
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GAUVARD Claude, SIRINELLI Jean-François, 2015, Dictionnaire de l’historien, Paris, Puf.
KOUADIO Guessan, 2014, « Félix Houphouët-Boigny et la tentative de règlement pacifique du problème de l’apartheid », Actes du Colloque International, 17 au 19 février 2014, Yamoussoukro, Les Editions FHB.
LORY G., 1990, L’Afrique australe, Paris, Autrement.
M’BOKOLO Elikia, 2012, L’Afrique au XXe siècle, le continent convoité, Paris, Seuil.
MELEDJE Djedjro F., 2010, Les relations internationales, Abidjan, Les éditions ABC.




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