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PERCEPTION ET VECU DE LA FORMATION EN LICENCE PAR LES ETUDIANTS EN SOCIOLOGIE-ANTHROPOLOGIE A L’UNIVERSITE D’ABOMEY-CALAVI

  • Dr PASCAL DOHO

  • ALBAN GNIMAKPOKOUAN

  • CAMILLE KOSSOLOU

[1] Maître-Assistant en Sociologie du Développement / CAMES, Université d’Abomey-Calavi (Bénin), Laboratoire d’Analyse et Recherche, Religions, Espaces et Développement (LARRED),

[2] Étudiant au Département de Sociologie-Anthropologie, Université d’Abomey-Calavi (Bénin), Laboratoire d’Analyse et Recherche, Religions, Espaces et Développement (LARRED),


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Résumé

Les conditions de délivrance des enseignements influent sur la qualité de la formation et sur le vécu des étudiants. De nature mixte, cette recherche a pour objectif d’analyser l’influence des conditions de délivrance des enseignements sur le vécu des étudiants. Pour bien mener cette recherche, la collecte a été faite auprès de 30 informateurs. Les groupes cibles concernés sont composés des étudiants et de leurs proches, des enseignants et des assistants, de l'État, des ONG, des parents d’étudiants et des alumini (diplômé ou ancien élève d’une école ou d'une université). Ces acteurs sont sélectionnés suivant les techniques d’échantillonnage du choix raisonné, de boule de neige et du hasard simple. Les techniques et les outils de collecte de données utilisés dans le cadre de cette recherche sont l’observation avec la grille d’observation, l’entretien avec le guide d’entretien, la recherche documentaire avec la fiche de lecture et le questionnaire avec le questionnaire. L’approche compréhensive de Max Weber étant le modèle privilégié de cette recherche. Les principaux résultats obtenus montrent que l’inadéquation des conditions d’enseignement, le manque d’assiduité de certains enseignants et la non-adaptation des outils pédagogiques fournis rendent les conditions de pratique des cours très pénibles pour les étudiants.

 

Mots clés : perception, vécu, formation, conditions d’enseignement

Abstract

The conditions of delivery of teaching influence the quality of training and the experience of students. Of mixed nature, this research aims to analyze the influence of the conditions of delivery of teaching on the experience of students. To properly conduct this research, the collection was made from 30 informants. The target groups concerned are composed of students and their relatives, teachers and assistants, the State, NGOs, parents of students and Alumni (graduates or former students of a school or university). These actors are selected according to the sampling techniques of reasoned choice, snowball and simple chance. The data collection techniques and tools used in this research are observation with the observation grid, the interview with the interview guide, documentary research with the reading sheet and the questionnaire with the questionnaire. Max Weber's comprehensive approach being the preferred model of this research. The main results obtained show that the results obtained show that the inadequacy of the teaching conditions, the lack of assiduity of some teachers and the non-adaptation of the teaching tools provided make the conditions of practice of the courses very painful for the students.

Keywords: Perception, lived experience, Training, Teaching condition




INTRODUCTION

 

L’enseignement supérieur en Afrique francophone est confronté à d’importantes crises liées à l’évolution sans cesse croissante des effectifs, aux besoins matériels, financiers, organisationnels et humaines que cette évolution impose (A. Capo-Chichi, 2014, p. 15 En effet, pour M. Merania et F. Amoussouga Gero (2009, p. 11-17), le rendement interne, en général très faible, de l’enseignement supérieur, renforcé par un sureffectif accablant, constitue un investissement négatif voire un gâchis humain qui fragilise l’ensemble du système d’enseignement supérieur africain. Le cursus licence qui visait à répondre à la croissance des besoins de formation supérieure et à assurer la réussite du plus grand nombre d'apprenants, dans le but de leur offrir, éventuellement à la fin du cursus, les chances d’une bonne insertion professionnelle, se heurte à plusieurs obstacles. Il est ainsi pertinent de s’intéresser à la perception et au vécu de la formation en licence par les étudiants de sociologie et d'anthropologie à l’Université d’Abomey-Calavi.

Les licences professionnelles ont pour vocation première de déboucher sur le marché du travail et doivent désormais s’intégrer pleinement à l'offre de formation de l'université. Le partenariat avec le milieu professionnel doit être le principal préalable à l'existence d’une licence professionnelle, parce que cette condition est, de fait, une réponse au risque évident de profusion de ces diplômes. Il est important de rappeler que, dans l’esprit de la réforme LMD, la licence professionnelle est une licence et qu’elle a une double finalité. La première est l'insertion professionnelle et la deuxième peut être la poursuite d'études vers le master. Il est évident que le système actuel de fonctionnement administratif et pédagogique en cours à l’UAC n’arrive pas à satisfaire ces attentes légitimes des acteurs (M. Merania et F. Amoussouga Gero, 2009, p. 41).

Selon D. Amouzouvi (2014, p. 13), deux préoccupations occupent globalement l’esprit des jeunes diplômés de la FASHS. La première concerne les « chances de pénétration » du tissu socioprofessionnel. La deuxième, quant à elle, se rapporte à la délimitation (de manière très claire et distincte) du parlier réservé aux compétences acquises dans le processus de développement. Aussi, l’étude du marché avant l’élaboration d’une offre de formation exige aussi, entre autres, la formation des enseignantes et des professionnels à l’élaboration des curricula, le développement de partenariats entre instituts de formation en veillant à la sauvegarde des avantages réciproques.

 

 

C’est dans cette logique que M. Merania et F. Amoussouga Gero (2009, p. 46) révèlent que la professionnalisation des parcours de formation universitaire s’impose à tous les établissements d’enseignement supérieur. Elles doivent effectuer plus d’efforts pour adapter leur offre de formation et proposer des cursus plus directement valorisables dans le monde du travail…

Le travail demeure un élément central de l’insertion sociale des jeunes et les conséquences d’une mauvaise insertion professionnelle sont désastreuses, non seulement au niveau des individus, mais aussi au niveau du collectif… il s’agira de prendre des dispositions à tous les niveaux pour permettre un passage plus progressif de l’université à l’emploi et accroitre l’employabilité des jeunes diplômés.

Dans cette recherche, il s’agit de savoir comment les étudiants perçoivent et vivent la formation en licence de Sociologie-Anthropologie à l’UAC

1. Corpus méthodologique de la recherche

Le modèle théorique d’analyse utilisé pour cette recherche est la sociologie compréhensive de M. Weber. La sociologie compréhensive de Max Weber est une démarche scientifique qui permet la compréhension d’un fait social. Elle peut être comprise comme une démarche en trois étapes : la compréhension, l’interprétation et l’explication du fait social. Cette recherche a pour but d’étudier la perception et le vécu de la formation en licence par les étudiants de sociologie et d'anthropologie à l’Université d’Abomey-Calavi. Pour ce faire, on est amené à faire ressortir les différents profils des étudiants qui suivent les formations, identifier les difficultés autour de leurs insertions professionnelles et enfin ce que pensent les étudiants, parents d’étudiants, enseignants et assistants et les alumni des formations prodiguées pour le compte de la licence en Sociologie-Anthropologie. La recherche est de nature mixte et nous permet de récolter des données interprétatives sur le problème posé, mais aussi des récits et des logiques des acteurs pour une analyse plus approfondie du sujet. En tenant compte de la nature de la recherche, trois (03) techniques d’échantillonnages ont été priorisées, le choix raisonné, la boule de neige et le hasard simple. Cette recherche a mobilisé comme techniques de collecte de données la recherche documentaire, l’entretien, l’observation et le questionnaire avec leurs outils respectifs la fiche de lecture, le guide d’entretien, la grille d’observation et le questionnaire afin d’avoir les informations nécessaires sur le sujet.

 

 

 

2. Résultats

2.1. Décrire les conditions de délivrance des enseignements. 

2.1.1. Conditions de pratique des cours

Les conditions de pratique des cours jouent un rôle vraiment important dans la formation des étudiants. En effet, une bonne condition d’enseignement concourt à une bonne formation des étudiants, mais force est de constater que les étudiants n’y trouvent pas leurs comptes. Les conditions d’enseignement ne sont pas adéquates pour la majorité des enquêtés, qui trouvent que les conditions ne sont pas trop bonnes pour les étudiants et ont du mal à suivre les cours dans ces conditions. C’est dans cette optique qu’un enquêté affirme :

« Les conditions ne sont pas trop bonnes pour nous, étudiants. » Encombrés par le nombre, il y a des moments donnés où on n’arrive pas à trouver de la place. Et bizarrement, quand vous avez les cours de soir, il y a le manque de lumière, la chaleur bat à son plein parce que les brasseurs ne fonctionnent pas, il n’y a pas d’ampoule dans les amphis ; ça fait en sorte que faire les cours, c'est tellement difficile. Vu le nombre aussi, il n’y a pas des instruments qui permettent d’amplifier la voix de l’enseignant, ce qui fait que parfois tu viens aux cours, mais tu ne perçois rien ; le prof explique, mais tu n’entends rien, tu es là bredouille, tu ne reçois rien » (H, 24 ans, étudiant en 3ᵉ année de Socio-Anthropologie à l’UAC).

 

Même les enseignants trouvent qu’il y a une inadéquation dans les conditions d’enseignement. Selon eux, les conditions ne sont pas adéquates ni adaptées pour donner des cours. Ils trouvent que, du point de vue organisationnel, cette préoccupation est très importante et cruciale dans la mesure où tout dépend d’elle. Et la non-application des conditions du système LMD y joue un rôle de taille. C’est dans cette logique qu’un enquêté nous affirme :

« Pour vous répondre en gros, je pense que les conditions ne sont pas réunies et je dois parler du système LMD. » Déjà, quand vous voyez l’effectif fait par ces étudiants-là, et vous prenez les infrastructures, notamment les salles ; les salles sont petites pour ces gros effectifs. La conséquence, c'est qu’il y a des étudiants qui ne trouvent pas de place pour s’asseoir aux cours ; il y a des étudiants justement par rapport à l’effectif qui n’arrivent pas à écouter ce que l'enseignant est en train de véhiculer comme message. Tout ceci réuni impacte malheureusement négativement la formation en sociologie à tous les niveaux » (H, 35 ans, enseignant au DS-A à L’UAC).

Pour certains, les conditions ne sont pas adéquates, mais on observe une amélioration par rapport aux années antérieures qui étaient vraiment pénibles. C’est pourquoi, il faut continuer et fournir plus d’effort parce que l’enseignement c’est la chose sur laquelle il faut tellement mettre les moyens parce qu’un être bien formé constitue un outil de développement ; et l’Université son rôle, c'est de permettre à l’étudiant de devenir meilleur pour contribuer au développement de sa nation. C’est pourquoi l’enquête affirme :

« Les conditions sont précaires, je dis encore précaire, mais c’est mieux qu’avant, il y a une amélioration parce que quand vous remontez dans l’histoire nous on restait debout et il n’y avait pas de salle, il n’y avait pas une question de mutualité des salles où aujourd’hui on voit au moins 100 personnes s’asseoir ou plus de 200 ou 300… Donc il y a une amélioration par rapport aux années antérieures, mais il faut qu’on continue parce que l’enseignement, c'est la chose sur laquelle il faut tellement mettre les moyens parce qu’un être bien formé constitue un outil de développement ; et l’Université son rôle, c'est de permettre à l’étudiant ou à l’enseigné de devenir meilleur pour contribuer au développement de sa nation » (H, 38 ans, enseignant au DS-A à L’UAC). 

Les conditions de pratique des cours ne sont pas très adéquates et il va falloir changer de paradigme dans la méthode de l’enseignement pour aboutir à une amélioration. C’est dans ce sens qu’un enquêté affirme :

« Les conditions ne sont pas très adéquates. » « Je crois que beaucoup de   professeurs en parlent déjà. » Il y a des collègues professeurs. » « Avec les cadres, je me suis entretenu et tout le monde sait qu’il va falloir changer de paradigme dans la méthode de l’enseignement. » (H, 69 ans, parent d’étudiant).

 

 

Face à ces problèmes, certains enseignants brillent par leurs absences, ce qui ne facilite nullement l’apprentissage. Au niveau des étudiants enquêtés, 25 % affirment que les enseignants sont assidus au cours, 35 % affirment que les enseignants ne sont pas assidus aux cours ; par contre 40 % affirment que c’est vrai que les enseignants ne sont pas assidus aux cours, mais certains d’entre eux font exception. Et pour pallier leurs absences, ils envoient leurs assistants pour donner les cours.

L’inadéquation des conditions d’enseignement, le manque d’assiduité de certains enseignants et la non-adaptation des outils pédagogiques fournis rendent les conditions de pratique des cours très pénibles pour les étudiants ; même s’il y a une amélioration par rapport aux années antérieures. Donc, un changement de paradigme dans la méthode de l’enseignement est nécessaire pour aboutir à une véritable amélioration. Mais qu'en est-il du contenu des matières ?

2.1.2. Perception sur le contenu des matières enseignées en 3ᵉ année de Socio-Anthropologie 

La troisième année, ayant pour vocation à être une année de spécialisation, avec un approfondissement des disciplines choisies, doit permettre l'insertion professionnelle des apprenants avec des programmes suffisamment diversifiés. Mais elle joue en majeure partie ce rôle d’après les propos de certains enquêtés qui disent que les matières ont été tellement riches et très utiles étant des matières de fin de formation.  C’est dans cette logique qu’un interviewé affirme :

« Pour mon expérience, celui qu’on a fait en troisième année, les contenus des matières enseignés, c'est bien précis, on sait ce qu’on fait directement ; là on peut garantir que c’est net, ça peut nous donner quelque chose dans la vie active » (H, 26 ans, étudiant en instance de soutenance au DS-A à l’UAC).

Parmi les enseignants enquêtés, nombreux affirment que les unités d’enseignements sont très capitales pour l’apprenant et permettent d’avoir les bases dans la discipline ; si nous prenons le cas de la méthodologie et d’autres pour l’ouverture comme l’entrepreneuriat. C’est dans cette optique qu’un enquêté affirme :

« Je crois que la majorité jusqu’à l’heure où nous parlons, je crois qu’il y a des curricula ou des unités d’enseignements qui sont très capitales pour le sociologue ou pour l’apprenant, qui lui permet d’avoir les bases dans la discipline ; si je prends le cm2as de la méthodologie et d’autres pour l’ouverture, car il y a d’autres qui enseignent l’entrepreneuriat et d’autres qui enseignent la culture donc tout ça entre aussi dans la formation » (H, 38 ans, enseignant au DS-A à L’UAC).

Par contre, d’autres pensent que les curricula sont conçus sans tenir compte du marché de l’emploi. Donc, la formation est d’ordre général et non spécifiquement adaptée au marché de l’emploi. Ce qui pose les problèmes auxquels sont confrontés les diplômés de nos jours, car les formations ne sont pas en adéquation avec le marché de l’emploi. C’est pourquoi un enquêté affirme :

« Ce que je veux dire, c’est commun à toutes les matières, à toutes les disciplines. » Pour les enseignants qui conçoivent les curricula sans tenir compte du marché de l’emploi, la plupart de ces matières ne prennent pas en compte le marché de l’emploi. Donc, c’est une formation générale alors qu’il faut de plus en plus des formations spécifiques adaptées au marché de l’emploi. Il faut former les étudiants à faire face au marché de l’emploi parce que c’est comme un marché. Il faut mettre à la disposition des recruteurs des produits dont ils ont besoin pour pouvoir faire tourner leurs boîtes. Mais le constat est amer : on continue de faire des formations générales » (H, 30 ans, assistant au DS-A à l’UAC).

 Les matières enseignées en troisième année de socio-anthropologie sont très capitales pour les apprenants et permettent d’avoir les bases dans la discipline, surtout par la méthodologie ; mais elles ne vont pas au-delà de ça, à part quelques matières qui font exception. Car la formation est générale et n’est pas spécifique afin d’être adaptée au marché de l’emploi. Donc, pour pallier cela, il faut revoir l’ensemble des curricula afin de réduire les matières et d’apprendre les matières essentielles et fondamentales aux étudiants, tout en les adaptant aux besoins de l’emploi.

2.1.3. Aperçu sur la qualité de l’enseignement

La valeur intrinsèque d'un enseignement de qualité passe par le développement de compétences et d'aptitudes transversales ; comme la capacité à exploiter ses connaissances, à résoudre des problèmes, à travailler en équipe et à s’insérer dans la société, qui alimentent le mieux l'employabilité durable dans la perspective d’un apprentissage tout au long de la vie. Mais elle dépend de nombreux facteurs, notamment les compétences et la passion des enseignants, la pertinence du programme d’études, les ressources disponibles et l’engagement des étudiants. Donc, pour un enseignement de qualité, il faut un programme d’études pertinent et une disponibilité des ressources, mais étant donné que le programme d’études reste à revoir et la non-disponibilité des ressources adéquates, la qualité de la formation en prend évidemment un coup. C’est pourquoi un enquêté affirme :

« Si nous partons du point de vue que le contenu ne tient pas, les outils pédagogiques ne sont pas adaptés ; ça veut dire que tout ce qui suit tombe fatalement, donc c’est un peu ça » (H, 35 ans, enseignant au DS-A à l’UAC).

 

Les compétences et la passion des enseignants, la pertinence du programme d’études, les ressources disponibles et l’engagement des étudiants étant des facteurs importants pour une bonne qualité de l’enseignement ; le changement de paradigme dans la méthode de l’enseignement, l’optimisation des outils pédagogiques adaptés, le concours et la bonne volonté des enseignants ainsi que la prise de conscience des étudiants qui doivent donner le meilleur d’eux-mêmes, constitueront une étape importante pour une bonne qualité des enseignements. Sans oublier les infrastructures qui constituent aussi un élément crucial pour la bonne qualité d’un enseignement. Quels sont les conditionnements de ces infrastructures ?

2.1.4. Évaluation des infrastructures universitaires 

Les infrastructures sont essentielles pour offrir un environnement propice à l’apprentissage et à la recherche. Des salles de classe bien équipées, des laboratoires modernes et des bibliothèques riches en ressources encouragent l’engagement des étudiants et soutiennent le développement académique. De plus, des infrastructures technologiques avancées favorisent l’accès à l’information et aux outils numériques, ce qui est de plus en plus important dans l’enseignement supérieur. En investissant dans des infrastructures de qualité, les universités peuvent améliorer la qualité de l’enseignement et renforcer leur attractivité pour les étudiants et les chercheurs.

Mais, le déficit très élevé d’infrastructures administratives, pédagogiques et de laboratoires pour faire face à un effectif de plus en plus croissant constitue un véritable problème pour une bonne condition d’enseignement. L’effectif maximum requis dans les salles de classe étant inférieur au nombre d’étudiants (par exemple, une salle de 400 personnes pour un nombre d’étudiants s’élevant à 600 et au-delà) constitue un calvaire pour les étudiants qui sont obligés de s’entasser dans les salles. Les salles de cours sont non aérées et non espacées, et étant donné que la plupart des brasseurs ne fonctionnent pas, amplifient la chaleur dans la salle.

C’est dans cette perspective qu’un enquêté affirme :

« Il y a encombrement, les étudiants viennent en tas, il y a trop d’effectif et il y a la chaleur compte tenu du fait que tout ce qui est installations dans la salle ne marchent pas pour parler des brasseurs qui ne sont pas vraiment des brasseurs et il y a assez de chaleur » (F, 27 ans, Étudiante au DS-A à l’UAC).

Bien que tous ces facteurs constituent un problème pour les étudiants, il n’en est pas moins pour les enseignants qui sont aussi affectés par ces effectifs accablants, car ils constituent aussi un frein pour pouvoir dispenser correctement les cours. C’est dans cette optique qu’un interviewé affirme :

« Je crois franchement que les espaces dans lesquels se déroulent les cours sont à revoir pour optimiser l’assimilation où inculquer le savoir parce que les conditions ne respectent pas encore les normes ; parce qu’on a dit que nous sommes dans un système LMD, franchement avec le nombre d’étudiants que nous avons en face ce n'est pas pédagogique parce qu’on a supposé que dans un système LMD c’est 25 étudiants par enseignant, mais l’État a dit que c’était trop on va prendre 50, or, vous êtes beaucoup trop, donc ça biaise déjà le fait de pouvoir dispenser correctement le cours »  (H, 38 ans, enseignant au DS-A à L’UAC).

Les infrastructures étant essentielles pour offrir un environnement propice à l’apprentissage et à la recherche, il est sujet à plusieurs déficits qui causent problème pour une bonne condition d’enseignement. Parmi ces déficits, nous pouvons énumérer la non-adéquation des salles de cours aux effectifs des étudiants, la non-aération des salles, le non-respect de l’hygiène, le manque d’appareil de sonorisation, etc.

2.2. Présenter le vécu des étudiants

Le vécu des étudiants peut être présenté comme un chapitre de leur vie, reflétant les expériences, les défis et les moments forts qu’ils ont rencontrés pendant leurs études. Donc, il s’articule autour du vécu des cours par les étudiants, tout en évaluant leurs niveaux de satisfaction par rapport à la formation, pour finir par l’attitude des étudiants face à ces réalités.

 

 

2.2.1. Vécu des cours par les étudiants

Le vécu des cours par les étudiants est une expérience riche et variée, oscillant entre défis et découvertes, façonnée par la qualité de l’enseignement, les interactions sociales et la charge de travail. Le vécu des cours est relatif à chaque étudiant. D'autres la vivent plutôt bien, comme cet enquêté qui déclare : « À mon niveau, les cours sont bien compréhensibles. » Donc, je vis bien les cours » (H, 22 ans, étudiant au DS-A à l’UAC). 

Par contre, il y a d’autres qui sont sélectifs et vivent les cours en critères avec leurs préférences et de l’analyse des enseignants, comme cet enquêté qui affirme :

« Franchement, je crois qu’il y a des cours où il y a une bonne ambiance, il y a des réactions de la part de tout le monde, il y a des professeurs qui incitent tout le monde à répondre, il y a des réactions dans les cours et c’est bon à vivre. » Ce n’est pas à tous les cours, hein, parce qu’il y a des cours auxquels je dors, car le prof ne transmet pas le cours avec entrain » (H, 20 ans, étudiant au DS-A à l’UAC).

Quelques enseignants enquêtés donnent leur avis sur le vécu des étudiants. Selon eux il n’y a pas de prise de conscience de la part de certains étudiants, d’autres sont présents de corps et non d’esprit parce qu’ils se disent que ça ne les concerne pas, il y a d’autres au lieu de suivre les cours préfèrent manipuler leurs téléphones alors qu’ils sont là pour un but précis. Donc, il en va aussi de la responsabilité des étudiants. C’est dans cette logique qu’un enquêté affirme :

« Parfois, les étudiants vivent les cours tout comme si c’étaient quelque chose d’extra qu’il faut abandonner ; en réalité, on ne sent pas une prise de conscience au niveau de beaucoup d’étudiants par rapport aux cours … » Parfois, le constat se faire au niveau de l’utilisation des outils électroniques, informatiques et le net pendant que l’enseignant fait le cours. Donc, s'ils ne se voient pas dedans, dont est-ce qu’ils veulent devenir de bons sociologues ? « C'est à revoir, donc ça dépend aussi de leurs responsabilités » (H, 42 ans, enseignant au DS-A à l’UAC).

 

Le vécu des étudiants est sujet à plusieurs difficultés qui font qu’ils sortent de l’université avec une mauvaise expérience. Donc, l’amélioration des conditions d’enseignements et la résolution des difficultés permettront une bonne expérience. Mais une prise de conscience est aussi nécessaire de la part des étudiants qui doivent définir leurs priorités et se mettre dans les bonnes conditions afin de tirer parti de la formation.

2.2.2. Satisfaction des étudiants par rapport à la formation

La satisfaction des étudiants à une formation peut être évaluée à travers plusieurs aspects, tels que l’utilité des contenus, la qualité des intervenants, la pertinence des méthodes pédagogiques, l’organisation générale de la formation et de la satisfaction globale de l’expérience.


Figure 7 : niveau de satisfaction de la formation reçue

Source : Données de terrain, 2024

 

 

D’après la figure 8, nous constatons que parmi les étudiants enquêtés, 25 % sont satisfaits de la formation, tandis que 85 % ne sont pas satisfaits. Donc, la majorité des enquêtés ne sont pas satisfaits de la formation parce que la formation ne répond pas à leurs attentes comme ils l’auraient souhaité ; car la formation est purement théorique, le manque de pratique fait en sorte que les apprenants sortent avec un diplôme et non un savoir-faire. C’est pourquoi un enquêté affirme :

« Non, je ne suis pas complètement satisfait parce que comme je viens de le dire, je ne veux pas seulement le diplôme, mais aussi le savoir-faire ; maintenant on n’a pas eu le temps d’aller sur le terrain à chaque fois pour faire ce dont il est question réellement, on est tout le temps dans la théorie et la pratique n’y est pas trop. « À part la sortie pédagogique, il n’y a pas assez de pratique pour maintenir le cap en ce qui concerne l’enseignement » (H, 28 ans, étudiant au DS-A à l’UAC).

La formation n’a pas répondu aux attentes de plusieurs des enquêtés, surtout par le fait que la formation soit beaucoup plus centrée sur la théorie. Il n’y a quasiment pas eu de pratique à part la sortie pédagogique ; ce qui favorise la non-satisfaction de la majorité.

2.2.3. Attitudes des étudiants face aux réalités de l’université

L’attitude des étudiants face aux réalités de l’université peut varier en fonction de nombreux facteurs, tels que leurs attentes, leurs expériences antérieures, la qualité de l’enseignement, les ressources disponibles et le climat social de l’établissement. Certains étudiants peuvent être motivés et engagés, tandis que d’autres peuvent rencontrer des difficultés d’adaptation ou être confrontés à de divers obstacles tels que le stress, la charge de travail ou les contraintes financières.

                                                                                                                                          

Figure 8 : Taux d’assiduité des étudiants aux cours

Source : Données de terrain, 2024

 

D’après la figure 9, 60 % des étudiants enquêtés déclarent qu’ils sont assidus aux cours, alors que 40 % restant disent le contraire. Certains justifient ces absences logiques puisque parfois ils viennent aux cours et les enseignants sont absents ; ce qui fait un gaspillage d’argent pour eux, ou parfois ils sont là, mais vu qu’il n’y a pas d’appareil de sonorisation, ils ne reçoivent pas l’enseignant qui ne fait aucun effort pour permettre à la salle d’entendre ; ou les enseignants au lieu de venir eux-mêmes envoient des assistants dont certains ne sont pas toujours performants. C’est dans cette perspective qu’un enquêté affirme :

« Je viens aux cours pour les cours qui m’ont plu, c'est-à-dire les cours où c’est l’enseignant même qui est venu et il a donné de son savoir-faire, il s’est dévoué à son cours. » Pour les cours où ce sont les assistants qui viennent, je manque souvent, on ne dira pas que tous les assistants sont mauvais, mais il y a certain qui oublie la raison pour laquelle ils sont là, ils font trop l’enseignant même s’ils ne sont pas encore enseignants, ce qui leur monte à la tête du coup ils passent à côte de ce pourquoi ils sont venus » (F, 21 ans, étudiante au DS-A à l’UAC).

Les enseignants enquêtés pensent que certains étudiants négligent les cours, ce qui justifie le manque d’assiduité de plusieurs et cela se ressent après l’obtention du diplôme. Ce qui a valu ce discours :

« C’est vrai, il y a certains étudiants qui sont assidus, par contre, il y a d’autres qui ne sont pas du tout présents, vous voyez ; c’est vrai, on dit que nous sommes dans une faculté, mais d’autres viennent et une bonne partie non, et ça se ressent parfois. » Même après l’obtention du diplôme, on n’arrive pas à les mettre en application » (H, 35 ans, enseignant au DS-A à l’UAC).

 

Ce manque d’assiduité ne se justifie pas, car la majeure partie des étudiants enquêtés affirment être à la quête de savoir-faire ou est-ce le manque de pratique qui influence ce manque d’assiduité. La figure ci-dessous montre l’avis des étudiants sur la quête du diplôme ou du savoir-faire.


Figure 9 : Avis des étudiants sur la quête de diplôme ou de savoir-faire

 

Source : Données de terrain, 2024

Comme l’énumère la figure 10, 10 % des étudiants enquêtés sont à la quête de diplôme, 60 % sont à la quête du savoir-faire et 30 % sont à la quête du diplôme et du savoir-faire.

Pourtant, les enseignants enquêtés pensent que la majorité des étudiants sont à la quête de diplôme et non de savoir-faire. Et c’est ce qui justifie leurs manques d’assiduité aux cours, or les deux sont nécessaires, mais le savoir-faire doit primer, car le diplôme est là pour justifier le savoir-faire. Car aujourd'hui, sur le terrain ou sur le marché de l’emploi, on remarque plus de sociologues diplômés que de sociologues vrais. 

C’est dans cette perspective qu’un enseignant dit :

« Il y a beaucoup qui sont en quête de diplôme et non de savoir-faire parce qu’ils se disent que sur le marché ce n’est pas ça qui m’attend, car se sont retrouvés aussi en Sociologie par accident de parcours et ce se dit que l’essentiel, c'est que j’ai mon diplôme ; de telle sorte vous allez voir des sociologues qui n’utilisent pas la Sociologie comme métier qui le prennent pour avoir peut-être un diplôme. Alors que ça devait aller de pair, aussi bien le diplôme que la compétence, parce que l’essentiel, c'est la compétence d’abord » (H, 39 ans, enseignant au DS-A à l’UAC).

Pour renchérir, un autre affirme :

« Beaucoup sont à la quête de diplôme ; c’est pourquoi ils font tout de même ceux qui ne viennent pas aux cours. » Ils font tout pour pouvoir éliminer les matières. Beaucoup sont à la quête du diplôme et non du savoir-faire. Alors que de nos jours, c'est le savoir-faire qui compte, on est dans un pays où si c’était un pays anglophone, c’est ce que tu sais faire qui compte, alors qu’au Bénin, c'est le diplôme. Si tu as le diplôme, c’est fini. Alors que si tu as le diplôme et le savoir-faire, tu es équilibré, mais malheureusement, le constat est que, ce n’est pas seulement en Socio hein, c'est dans toutes les filières, qu'on court derrière le diplôme » (H, 31 ans, assistant au DS-A à l’UAC).

 

 

C'est dans cette même logique qu’un parent d’étudiant déclare :

« Nous sommes dans un monde où le savoir-faire, malheureusement, ne suffit pas. » Mais si tu sais faire et que tu n’as pas un diplôme qui valide ce que tu sais faire, tu ne peux pas avoir accès à certains milieux, à certains ordres d’enseignement. Il faudrait forcément qu’il y ait un diplôme qui sanctionne ce que tu sais faire ; donc les deux sont importants. Malheureusement, on peut ne pas savoir faire et avoir le diplôme, donc, c'est pourquoi il faut vraiment lutter contre les faux diplômes, travailler de manière à ce qu’il ait une certaine adéquation entre le diplôme et ce que l’étudiant connaît » (H, 53 ans, parent d’étudiant).

Le diplôme et le savoir-faire sont très importants et vont de pair. Donc, une prise de conscience au niveau des apprenants est impérative pour une bonne insertion professionnelle. Et cette prise de conscience se caractérise par l’assiduité aux cours et la volonté de se donner à fond, car rien ne s’acquiert facilement. Il est aussi important pour les établissements d’enseignement supérieur de comprendre ces différentes attitudes afin de mieux soutenir les étudiants et d’améliorer leurs expériences universitaires.

 

 

 

CONCLUSION

À la fin de cette recherche qui a permis d’explorer et d’approfondir les connaissances sur la perception et le vécu de la formation en licence par les étudiants en Sociologie-Anthropologie à l’Université d’Abomey-Calavi, il faut rappeler succinctement que la question centrale a été le fil conducteur de cette recherche et la méthodologie adoptée.

L’objectif général de la recherche est d’analyser l’influence des conditions de délivrance des enseignements sur le vécu des étudiants. Par ailleurs, la théorie compréhensive de Max Weber a été initiée comme modèle théorique d’analyse.

Les résultats obtenus montrent que l’inadéquation des conditions d’enseignement, le manque d’assiduité de certains enseignants et la non-adaptation des outils pédagogiques fournis rendent les conditions de pratique des cours très pénibles pour les étudiants. Les infrastructures essentielles pour offrir un environnement propice à l’apprentissage et à la recherche sont sujettes à plusieurs déficits comme la non-adéquation des salles de cours aux effectifs des étudiants, la non-aération des salles, le non-respect de l’hygiène, le manque d’appareil de sonorisation, etc. qui cause problème pour une bonne condition d’enseignement.

Le vécu des étudiants est sujet à plusieurs difficultés qui font qu’ils sortent de l’université avec une mauvaise expérience. La formation ne répond pas aux attentes de plusieurs étudiants, pourtant d’autres y ont trouvé leur compte. Donc, une prise de conscience est aussi nécessaire de la part des étudiants qui doivent définir leurs priorités et se mettre dans de bonnes conditions afin de tirer profit de la formation, ce qui est impératif pour une bonne insertion professionnelle. Et cette prise de conscience se caractérise par l’assiduité aux cours et l’engouement intellectuel, car rien ne s’acquiert facilement. Il est aussi important pour les établissements d’enseignement supérieur de comprendre ces différentes attitudes afin de mieux soutenir les étudiants et d’améliorer leurs expériences universitaires.

Toutefois, notre recherche n’a porté que sur la troisième année recouvrant l’année universitaire 2022-2023 et l’avis de quelques étudiants de la promotion 2023-2024. Donc les choses auraient peut-être un peu évolué depuis ce temps. C’est pour cela qu’il est nécessaire que le travail soit complété et poursuivi sous différents aspects afin d’en connaitre l’évolution. Il serait aussi pertinent d’étendre cette étude sur la FASHS et pourquoi pas sur l’université entière.

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1.  Blanchet Alain, Ghiglione Rodolphe, Massonnat Jean et Trognon Alain, 2013, Les techniques d’enquêtes en sciences sociales, DUNOD, 197 pages.

2.     Capo-Chichi Alain, 2014, Quelle université pour quelle Afrique ? Autonomie, gouvernance et outils de pilotage, Multi App Éditions, 200 pages.

3.     Van Campenhoudt Luc, Marquet Jacques, Quivy Raymond, 2017, Quatrième étape : la construction du modèle d’analyse, dans Manuel de recherche en sciences sociales, 384 pages

4.     Amouzouvi Dodji, 2017, Les sciences humaines et sociales face aux défis du développement : entre interdisciplinarité et employabilité des diplômes, 60 pages.

5-    Glaymann Dominique et Maillard Fabienne, 2021, La professionnalisation des formations scolaires et universitaires, entre discours et mises en œuvre, dans Formation emploi 2021/4 (n° 156), Éditions Céreq, 12 pages.

6-    Ferreol Gilles, Cauche Philippe, Duprez Jean-Marie, GADREY Nicole et SIMON Michel, 2011, "Dictionnaire de sociologie", Armand Colin, 4ᵉ édition, 332 pages.

7-    Ferry Luc, Darcos Xavier et Haignere Claudie, 2003, Lettre à tous ceux qui aiment l’école, Pour expliquer les reformes en coursÉditions Odile Jacob, 181 pages.

8-   MeraNIa Mohammadou et AMOUSSOUGA GERO Fulbert, 2009, Construction du nouvel espace africain et malgache de l'enseignement supérieur dans le contexte de la mise en place du système académique licence – master — doctorat (LMD) dans les établissements d'enseignement supérieur de l'espace CAMES, Édition Magnificat, 176 pages.

9-    Droulers Olivier et Guiselin Emmanuel-Pie, 2011, Regards croisés sur l’influence de l’âge en sciences humaines et sociales, L’Harmattan, 412 pages.

10-  PAG 2021-2026,   document 3 › éducation, 29 pages.

11- Boudon Raymond et Bourricaud François, 2018, Dictionnaire critique de la sociologie, PUF, 7ᵉ édition, 728 pages.

 


REFERENCES WEBOGRAPHIQUES 

 

5.     Aknoun Ben, 2011, Guide pratique de mise en œuvre et de suivi du LMD, L’OFFICE DES PUBLICATIONS UNIVERSITAIRES, 1, place centrale-Alger, 80 pages ; consulté le 31 mars 2023.

6.     Bah Clément, La Normalisation des universités en Afrique francophone : Le rapport pédagogique à l’UAC, Bénin, clemcoovi@yahoo.fr, Akofena ⎜spécial n°08, vol. 2, juin 2022, ⎜174 pages ; consulté le 25 mai 2023.

7.     Loechner Hippolyte, 2021, Qu’est-ce que le système LMD ?  Publié le 22 décembre 2021 ; consulté le 26 mars 2023.




 
 
 

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