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DISPARITION DES PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX (PFNL) DANS LA PROVINCE DU KWANGO EN R.D. CONGO : PERCEPTION ET MOYENS DE LUTTE

Ubite KAZWAZWA

Université du Kwango (UNIK), Faculté des Sciences Agronomiques et Environnement, (RDC). 

ISANGU Mwana-Mfumu

Université Pédagogique Nationale (UPN) Faculté des Sciences Agronomiques et Environnement, (RDC), BP. 8815 KINSHASA/ NGALIEMA

 Apollinaire BILOSO Moyene

Université de Kinshasa (UNIKIN), Faculté des Sciences Agronomiques et Environnement (RDC), BP. 170 Kinshasa XI


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Résumé


La surexploitation des ressources naturelles, conjuguée à des pratiques de collecte non durables, entraîne une déforestation progressive et une dégradation accrue des écosystèmes forestiers. Cette dynamique alarmante compromet la disponibilité des produits forestiers non ligneux (PFNL), essentiels à la subsistance et aux revenus des communautés locales.  La présente étude vise à évaluer la perception des populations locales face à la raréfaction de ces ressources, à travers une enquête menée auprès de 332 exploitants et commerçants, sélectionnés selon une méthode d’échantillonnage stratifié tenant compte des différentes zones d’exploitation. La démarche utilisée pour élaborer le présent travail comprend les méthodes analytiques et celles descriptives appuyées par des enquêtes à l’aide d’un questionnaire à administration directe auprès de 332 exploitants et commerçants des PFNL, choisis de manière à choix raisonné. Les données obtenues ont été analysées à l’aide de logiciel Stata 10.  Les résultats mettent en évidence une diversité notable de PFNL utilisés par les communautés pour l’alimentation, la médecine traditionnelle, l’artisanat et le commerce.

Toutefois, une grande majorité des répondants soit près de 84 % estiment que ces produits deviennent de plus en plus rares, et l’analyse révèle que cette perception varie significativement selon les caractéristiques sociodémographiques des enquêtés, notamment l’âge, le genre et l’occupation principale.

La raréfaction des PFNL est imputée à la surexploitation incontrôlée, aux méthodes de collecte inappropriées, à la pression démographique croissante, ainsi qu’à la demande accrue en provenance des centres urbains tels que Kenge, Kikwit et Kinshasa.

Ces résultats soulignent l'urgence d'adopter, comme stratégies de gestion durable des PFNL, la régulation de leur collecte, la vulgarisation des pratiques d’exploitation durable, la domestication, et un monitoring continu pour déterminer les espèces à domestiquer.


Mots clés : Kwango, PFNL, gestion durable, Perception, surexploitation

Abstract

The overexploitation of natural resources, combined with unsustainable harvesting practices, is leading to progressive deforestation and increasing degradation of forest ecosystems. This alarming trend threatens the availability of non-timber forest products (NTFPs), which are essential for the livelihoods and incomes of local communities. This study aims to assess local populations’ perceptions of the scarcity of these resources, through a survey conducted with 332 harvesters and traders selected using a stratified sampling method that considered the different exploitation zones. The approach used in this study combines analytical and descriptive methods, supported by surveys based on a direct-administered questionnaire with 332 NTFP harvesters and traders selected through purposive sampling. Data collected were analyzed using Stata 10 software. The findings highlight a remarkable diversity of NTFPs used by communities for food, traditional medicine, handicrafts, and trade. However, a large majority of respondents—about 84%—believe that these products are becoming increasingly scarce. The analysis further shows that this perception varies significantly according to the respondents’ sociodemographic characteristics, particularly age, gender, and main occupation. The scarcity of NTFPs is attributed to uncontrolled overexploitation, inappropriate harvesting methods, increasing demographic pressure, and rising demand from urban centers such as Kenge, Kikwit, and Kinshasa. These results underscore the urgency of adopting sustainable management strategies for NTFPs, including the regulation of harvesting, the promotion of sustainable exploitation practices, domestication, and continuous monitoring to identify species suitable for domestication.

Keywords : Kwango, NTFPs, sustainable management, perception, overexploitation


 

Introduction

 

Les produits forestiers non ligneux (PFNL) sont parmi les ressources forestières dont les populations ont besoin pour leur survie. Caractérisés par leur facilité d’approvisionnement, ils sont particulièrement importants dans les pays en développement où près de 80% de la population en dépend pour l’alimentation, l’artisanat et la médecine traditionnelle (Moyene Apollinaire  Biloso, 2010; FAO, 1999; Fauré & Labazée, 2002; Konda Ku Mbuta & Ambühl, 2019; Mialoundama, Loubelo, Nsika-Mikoko, & Attibayeba, 2007).

En République Démocratique du Congo (RDC), ils apportent une solution aux ménages menacés par l'insécurité alimentaire liée à leur pouvoir d'achat réduit (Kesonga, 2013), et leur exploitation représente une source importante de revenus pour les communautés locales. La province du Kwango, recèle des nombreux PFNL desservant les populations, en besoin des premières nécessités. Cependant, ces PFNL subissent la surexploitation continue, conduisant à leur raréfaction dans le milieu naturel, pour donner suite à la pression démographique et aux mauvaises pratiques d’exploitation. De nombreuses espèces animales et végétales sont ainsi devenues rares dans certaines régions de la province du Kwango, mettant en péril la survie des populations tant urbaines que rurales qui en dépendent.

De nombreuses études relatives à la conservation et la disponibilité des PFNL (Aube, 1996; M A Biloso & Lejoly, 2006; Lunga, 2017; Malaisse, 1997) ont été menées dans différentes régions. Néanmoins, de toutes ces études, aucune d’elles n’a évalué la disponibilité des PFNL dans la région du Kwango, dans un contexte de surexploitation des ressources naturelles et des pratiques d’exploitation peu durables. Cette étude comble ce vide dans les connaissances relatives à la disponibilité de ces produits et sur la perception des populations locales de leur raréfaction dans cette région.

Or, comme cela est bien documenté pour des domaines comme les changements climatiques (M. M. f. A. Isangu, Kalambaie Bin Mukanya, & Usotila Wata Ngo Ibeya, 2024) l’adoption de mesures correctives est déterminée par la perception que les populations rurales ont des phénomènes en cause. Ainsi donc, en fournissant des données fiables et contextualisées, notre étude constitue une base précieuse pour orienter les actions de conservation et les politiques de gestion durable des ressources. En effet, ces informations permettent non seulement de mieux comprendre les pressions exercées sur les PFNL, mais aussi de concevoir des stratégies adaptées aux réalités locales, intégrant les savoirs et les préoccupations des communautés directement dépendantes de ces ressources.

A cet effet, nous nous sommes demandé, d’une part, dans quelle mesure les habitants de la province du Kwango perçoivent-ils la raréfaction des PFNL, et quels sont les déterminants de cette perception ? Et, d’autre part, quelles sont les causes de cette raréfaction des PFNL ?

Cette étude a comme objectif principal d’évaluer la raréfaction des PFNL dans la province du Kwango et de mettre en évidence les déterminants de la perception que les populations en ont. Elle vérifie les hypothèses selon lesquelles le caractère continu de cette raréfaction et des pratiques peu durables influence positivement sa perception par la population, tandis que, chez cette dernière, le niveau de perception serait influencé par des caractéristiques personnelles, telles que l’âge, le genre, le niveau d’étude et le type d’activité principale. Quant aux causes de la disparition des PFNL, elles se résumeraient dans leur surexploitation, induite par la croissance démographique, le manque de revenus et le commerce avec les centre-urbains.

De ce qui précède, le cheminement discursif de cet article se présente de manière suivante : Le premier point fait de milieu, matériels et méthodes ; le deuxième point aborde les résultats ; le troisième point est axé sur les discussions des résultats.


1. Milieu, matériels et méthodes

1.1. Milieu d’étude

La présente étude a été menée dans la province du Kwango, au Sud-Ouest de la R.D. Congo (figure 1). Cette province est constituée de 5 territoires, et a comme chef-lieu la ville de Kenge, située entre la ville de Kinshasa et de Kikwit, auxquelles elle est reliée par la route nationale no1 (RN1).


Figure 1 : Carte de la Province du Kwango. Source : De Saint Moulin et Tshibanda (2005)

 

La province du Kwango est très faiblement peuplée, avec une densité moyenne de 38,56 hab/km², qui atteint 9 hab/km² dans certaines régions de savanes (Institut National des Statistiques, 2024) Cette population s’occupe principalement de l’agriculture et de la collecte des PFNL dans le milieu naturel dont la végétation, principalement constituée de galeries forestières et de savanes herbeuses, fournit une grande variété de PFNL (M.-M. Isangu, 2003).

Le régime foncier est marqué par une grande disponibilité de la terre. Les modes d'accès à celle-ci et les régimes d'appropriation des ressources combinent, d’une part, l'accès libre pour toute la communauté pour l’exploitation libre des PFNL.


1.2. Méthodes et matériels

1.2.1. Sélection des villages et échantillonnage


Pour notre étude, nous avons mené des enquêtes, à l’aide d’un questionnaire à administration directe, auprès de 332 exploitants et commerçants des PFNL, choisis de manière raisonnée (ceux que nous avons trouvé exploité ou commercialiser les PFNL) selon un échantillonnage stratifié, la population concernée étant d’abord divisée en territoires, puis dans les secteurs qui composent les territoires.

 

 

1.2.2. Collecte et analyse des données

Pour rendre compte de la perception de la disparition des PFNL, qui a constitué notre variable dépendante, nous avons examiné trois groupes de variables explicatives, à savoir les propriétés des PFNL, les caractéristiques des exploitants, et des facteurs neutres ou extérieurs à ces deux instances. La collecte des données relatives à ces facteurs a été réalisée à l’aide d’un questionnaire à administration directe, tandis que, pour l’analyse statistique de ces données, nous avons eu recours au logiciel Stata 10, pour les analyses univariée et bivariée, et la régression multiple.


2. Résultats

2.1. Disparition des PFNL 

 

La disparition des PFNL dans la province du Kwango est avérée, due à leur surexploitation et à certaines pratiques. Parmi de telles pratiques destructrices des espèces, nous pouvons citer les feux de brousse et de forêt qui détruisent tout sur leur passage, la chasse, la pêche et la cueillette qui s’acharnent en priorité sur certaines espèces jugées les plus intéressantes. C’est le cas de certaines bêtes et certains poissons qui sont prisés des chasseurs et des pêcheurs pour la qualité ou la quantité de leur chair, et de certaines plantes qui sont recherchées pour leurs propriétés médicinales, leur qualité pour la construction, leur qualité alimentaire, etc.

La disparition du Mfumbwa (Gnetum africanum) une petite liane feuillie des forêts tropicales, illustre bien cela. Cette plante a constitué de tous temps une ressource alimentaire au Kwango où ses feuilles sont consommées comme légume. A Kinshasa où elle est aussi commercialisée, elle constitue, en plus, une ressource financière. Au début des années 70, poussés par sa forte demande à Kinshasa, les commerçants ont commencé à aller l’acheter dans la province du Kwango. Appâtés par les gains importants qu’ils en tiraient, les habitants se sont livrés à une cueillette immodérée, arrachant les lianes pour lier les bottes de ses feuilles. Sa repousse étant très difficile, la plante a disparu de plusieurs forêts quelques années à peine après le début de son commerce.

Les chenilles Mukwati (Cirina forda), parasites de l’arbre de même nom (Erythrophloeum africanum) ont aussi disparu de certaines régions suite à leur ramassage excessif pour le commerce, tandis que leur plante-hôte est menacée aujourd’hui par les feux de brousse, la construction des cases et la fabrication de la braise destinée au marché kinois. Dans les rivières aussi, les crabes et de nombreuses espèces de poissons ont disparu, suite à la pêche décimante utilisant des plantes ichtyotoxiques, comme Tephrosia voghellii. Tandis que, dans les forêts et les savanes, le gibier se fait rare, ayant été traqué jusque dans ses derniers retranchements. Il en est de même de nombreuses espèces de rongeurs que les feux de brousse et de forêt ont fait disparaître, en les détruisant avec leurs refuges.

Les causes de la surexploitation des PFNL sont la croissance démographique qui a entraîné l’augmentation des besoins d’autoconsommation de la population, et le commerce avec les villes. Ces deux facteurs ont été identifiés par nos enquêtés dans les proportions respectives de 23,8% et 16%, et 60,2% pour leur combinaison. En effet, au niveau des villages où la population est très réduite, une à deux bottes de feuilles de Mfumbwa et quelques tiges de bois de chauffe peuvent suffire pour l’alimentation et l’énergie. Tandis que, dans une ville comme Kinshasa, avec une démographie galopante et une population estimée en 2024 à 20.670.972 habitants dans son agglomération (Kazaku, 2024), et des ménages comptant jusqu’à 20 membres suite à l’exode rural, les besoins sont très élevés, en particulier pour l’alimentation et l’énergie.

Une autre cause de la surexploitation des PFNL réside dans la satisfaction des besoins sociaux de base, tels que la scolarisation des enfants, les moyens de communication, la toilette et les soins de santé, qui poussent les habitants à surexploiter les ressources commercialisables.


2.2. Perception de la disparition des PFNL

 

La perception de la disparition des PFNL par la population est forte, présente chez 84% des enquêtés. Au terme des analyses statistiques, aux seuils de 5% et de 10%, il est apparu que les facteurs susceptibles de rendre compte de cette forte perception sont subjectifs, objectifs et structurels. Les premiers sont des caractéristiques des exploitants. Les suivants sont des propriétés des PFNL eux-mêmes, tandis que les facteurs structurels sont extérieurs aux deux premières catégories.


2.2.1. Facteurs subjectifs

Les caractéristiques des exploitants qui se sont révélées significatives pour la perception de la disparition des PFNL, aux seuils de 1 % et 5%, sont indiquées dans le tableau 1 :

 

Tableau 1 : La perception de la diminution des PFNL et les caractéristiques des enquêtés (test Chi2) :

Variables indépendantes

Prob> lzl

1

Age chef de ménage

0.000***

2

Activité du chef de ménage

0.000***

3

Taille de ménage

0.000***

4

Genre des enquêtés

0.0766*

 

Les données regroupées dans ce tableau renseignent que l’âge du chef de ménage, son activité principale et la taille de son ménage ont une influence hautement significative sur sa perception de la disparition des PFNL (P < 5%), tandis que son genre est significatif à 10%.

Du point de vue de l’âge, la majorité des enquêtés, soit 70%, sont des adultes actifs, âgés de 54 ans au plus. Les vieilles personnes représentent 30% seulement. Tandis que la majorité de ceux qui exploitent les PFNL sont des jeunes, représentant 55% de l’ensemble, contre 44% d’adultes, et 1% de vieux. Avec un p-value de 0,07, l’âge est significatif au seuil de 10%. En effet, l’âge avancé correspond à une longue durée d’exploitation permettant aisément de constater les variations, même lentes, de la quantité des PFNL dans le milieu. Grâce à la régression logistique, nous avons pu déterminer que cette influence était positive.

La taille des ménages a montré beaucoup de variété, mais la majorité des enquêtés, soit 68%, ont des ménages comptant 6 à 11 membres. Ils sont suivis par ceux qui sont composés de 5 membres au maximum, représentant 25% des enquêtés, puis par les ménages de plus de 11 membres, représentant 7% des enquêtés. Cette variable influe sur l’exploitation des PFNL par la main-d’œuvre que constituent les membres d’un ménage, et par la consommation qui augmente avec leur nombre.

Pour leurs activités, les chefs de ménages enquêtés ont des situations très variées, avec des proportions représentées dans le graphique suivant :


Figure 2 : Activité principale du chef de ménage

Les activités des enquêtés influent sur l’exploitation des PFNL car elles entrent en compétition avec celle-ci pour la main-d’œuvre et le temps à lui consacrer. Parmi elles, l’agriculture est pratiquée par la majorité des enquêtés (68%), tandis que les autres activités les occupent beaucoup moins : 17% pour la fonction publique, 8% pour le commerce, 6% pour l’artisanat, 4% pour la pêche, et 2% pour les professions libérales.

Du point de vue du genre, la majorité des exploitants des PFNL interrogés, soit 60%, sont des femmes, contre 40% d’hommes. Ces proportions traduisent la division sexuelle des activités, où les femmes s’occupent du travail agricole et de la collecte des PFNL destinés à la consommation domestique, tandis que les hommes font la chasse, l’artisanat et les activités commerciales lucratives. Mais, du fait que les PFNL sont aussi commercialisés aujourd’hui, leur disparition est ressentie par les exploitants des deux genres (P = 0.0766).


2.2.2. Facteurs objectifs

 

Les facteurs objectifs de la perception de la disparition des PFNL sont les propriétés des PFNL et de leur exploitation. Ceux que, grâce à l’analyse statistique, nous avons identifiés, comme influençant significativement cette perception, sont rassemblés dans le tableau 2 :

 

 

 

 

Tableau 2 : Variables objectives de la perception de la disparition des PFNL

Variables

Prob> lzl

1

Espèces de PFNL exploitées

0.009**

2

But de l’exploitation

0.009***

3

PFNL commercialisés

0.000***

4

Revenus générés par l’exploitation des PFNL

0.000***

 

Les variables qui se sont révélées significatives pour la perception de la diminution des PFNL, au seuil de 1%, sont les espèces exploitées et commercialisées, le but de l’exploitation, et les revenus générés.

Du point de vue de leur but, les PFNL sont exploités pour l’autoconsommation et le commerce. La première est limitée par la faible démographie de la province du Kwango, tandis que le second fait appel à de grandes quantités de produits pour l’approvisionnement des villes, ce qui entraîne la surexploitation des produits et à terme, leur disparition rendue plus perceptible.

Quant aux types des produits, ils diffèrent fortement par les proportions des ménages qui les exploitent, comme illustré dans figure 3 :

 


Figure 3. Types des PFNL exploités dans la province du Kwango


Les PFNL les plus exploités, par 94% des enquêtés, sont les produits alimentaires, comprenant les chenilles (22%), les champignons (21%), les produits de pêche et de chasse (17 et 8%), les fruits (11%), les légumes feuilles (6%) et divers autres produits, comme le miel, le vin, les termites et les sauterelles (9%). Ils comprennent de nombreuses espèces végétales et animales, dont les principales sont regroupées dans le tableau 3 :


Tableau  3 : PFNL alimentaires végétaux exploités au Kwango

Espèces

Familles

Nom vernaculaire

Aframomum laurentii

Zingiberaceae

Tondolo

A. melegueta

Zingiberaceae

Mondongo

A. gigantea

Zingiberaceae

Tsusa

A. sanguineum

Zingiberaceae

Tondolo

Annona senegalensis

Annonaceae

Mulolo

Cola acuminata, C. nitida

Sterculiaceae

Makasu, colatier

Dioscorea cayenneensis

Dioscoreaceae

Igname

Garcinia kola, G. lucida

Clusiaceae

Ngadiadia

Gnetum africanum

Gnetaceae

Mfumbwa

G. buccholzianum

Gnetaceae

Mfumbwa

Landolphia lanceolata

Apocynaceae

Matonge

Lippia multiflora

Lamiaceae

Bulukutu

Megaphrynium macrostachyum

Marantaceae

Mikungu

Monodora myristica, M. Luizi

Annonaceae

Poivre, mpeyi

Piper guineense

Piperaceae

Poivre noir, mpeyi

Pteridium centrali

Polypodiaceae

Fougère, misili

Salacia pyraentii

Hipocrateaceae

Mbondi

Scorodophloeus zenkeri

Caesalpiniaceae

Mukubi

Zingiber officinale

Zingiberaceae

Tangawusi

 

Les PFNL animaux comprennent des gibiers, des poissons, et des chenilles dont nous présentons quelques espèces dans le tableau 4 :

Tableau 4 : Chenilles exploitées au Kwango

Espèces

Familles

Plantes-hôtes

Anaphe venata

Notodontidae

Cola lateritia

Cirina forda = Imbrasia forda

Saturniidae

Erythrophloeum africanum

Cymothoe caenis Dr.

Nymphalidae

Oncoba welwitschii Oliv.

Imbrasia epimenthea

Saturniidae

Petersiantus macrocarpus

Imbrasia obscura

Saturniidae

Tetraptera teraptera

Imbrasia oyemensis

Saturniidae

Entandrophragma cylindricum

Imbrasia truncata

Saturniidae

E. angolense

Pseudanthera discrepans

Saturniidae

E. angolense

 

Les PFNL non alimentaires sont exploités dans de très faibles proportions (6%) et comprennent des plantes médicinales (5%) et artisanales (1%), dont les principales espèces sont regroupées dans le tableau 5 :

Tableau 5 : PFNL non alimentaires exploités au Kwango

Nom scientifique

Famille

Nom vernaculaire

Plantes médicinales

 

 

Hymenocardia acida

Hymenocardiaceae

Muheta

Mondia whitei

Periplocaceae

Nlondo

Morinda morindoides

Rubiaceae

Kongo bololo

Rauwolfla vomitoria

Apocynaceae

Zumbu

Ricinodendron heudelatii

Euphorbiaceae

Nsanda

Plantes artisanales

 

 

Calanus ceasus

Arecaceae

Rotin, nkawu

Megaphrynium macrostachyum

Marantaceae

Tuiles, Nkasa

Sarcophrynium brachystachys

Marantaceae

Tuiles, Nkasa

Thaumatococcus danielii

Marantaceae

Tuiles, Maanga

 

Parmi les espèces exploitées, les plus prisées par les consommateurs, ou les plus intéressantes pour le commerce, sont aussi les plus menacées de surexploitation. La perception de leur disparition par la population sera donc plus grande.

2.2.3. Facteurs structurels

Les facteurs structurels de la perception de la disparition des PFNL qui se sont révélés significatifs, au seuil de 1%, sont illustrés dans le tableau 6 :

Tableau 6 : Facteurs structurels de la perception de la disparition des PFNL (test du Chi²)

Variables

Prob> lzl

1

Sites d’exploitation

0.000***

2

Lieux de commercialisation

0.000***

3

Réglementation et calendriers d’exploitation

0.000***

 

Pour les lieux d’exploitation des PFNL, l’on comprend aisément que la disparition de ces produits soit mieux perçue dans des zones où ils sont peu nombreux, que là où ils abondent. Quant aux lieux de commercialisation, la perte des produits sera plus durement ressentie dans une ville comme Kinshasa, en raison des besoins de consommation qui y sont très élevés pour donner suite à sa forte démographie, par rapport aux villages où le commerce et les besoins de consommation sont plus réduits. Il en est de même des mesures comme les calendriers d’exploitation, qui limitent la disparition des PFNL et la rendent, de ce fait, moins perceptible.

3. La lutte contre la disparition des PFNL

Dans la province du Kwango, l’occupation et l’exploitation des espaces sont libres, mais il existe des réglementations et des pratiques visant la protection et la pérennisation des ressources naturelles. C’est le cas de l’imposition des calendriers qui limitent l’exploitation des produits à certaines périodes de l’année, en vue de garantir leur reproduction et leur régénérescence pendant les autres périodes. Pour les chenilles, par exemple, le ramassage intervient à la maturité des insectes, tandis que sa fin doit permettre à ceux-ci de compléter leur cycle de reproduction. Pour la chasse, il est imposé un calendrier strict des feux de brousses qui n’ont lieu que pendant la saison sèche. La connaissance, de ces réglementations, attestée par 68% des enquêtés, est un bon préalable pour leur mise en pratique.

Outre ces réglementations, il existe de nombreuses pratiques assurant la conservation des espèces, telles que les longues jachères agricoles qui permettent la restauration de la fertilité des sols, la régénération de la végétation, et la reconstitution des écosystèmes de différentes espèces animales et végétales. C’est le cas aussi de la délocalisation des villages qui intervient quand les ressources deviennent rares. Les habitants migrent alors et installent leurs villages sur de nouveaux sites plus riches en ressources. Cela permet la reconstitution des espèces et la restauration des écosystèmes sur le site abandonné.

Les habitants de la province du Kwango recourent aussi à certaines formes de domestication des espèces sauvages dont ils assurent la protection et favorisent la reproduction. C’est le cas des chenilles Mikwati (C. forda) qu’ils ont réintroduites avec succès dans des savanes où elles avaient disparu, en ensemençant les arbres avec des œufs de papillons recueillis dans d’autres régions.

4. Discussion

L’acharnement des exploitants sur certaines espèces animales et végétales jugées les plus intéressantes corrobore la pratique rapportée par Mbete (2015) sur l’exploitation forestière en République du Congo.

La disparition du mfumbwa (Gnetum africanum) a été rapportée par M.-M. Isangu (2003), tandis que Lunga (2017) et ISCO (2017) ont fait état de la disparition des chenilles Mukwati (Cirina forda) et de leur plante-hôte utilisée pour la fabrication de la braise.

Les espèces de chenilles exploitées par les habitants du Kwango, que nous avons inventoriées, ont aussi été identifiées dans cette région et dans la province voisine du Kongo central par Konda Ku Mbuta and Ambühl (2019), et par Bocquet et al.  (2020) dans la Province de l’Equateur.

La division sexuelle séculaire des activités dans la province du Kwango a été rapportée par M.-M. Isangu (2003), et elle corrobore les observations faites par Guillermou (1988) en République du Congo.

Les réglementations et les pratiques visant la protection et la pérennisation des ressources naturelles, préconisées dans la province du Kwango, rejoignent la conservation recommandée par FAO (1999), qui consiste dans l’usage raisonné et parcimonieux des produits, et rapportées ailleurs par Aube (1996), Biloso et Lejoly (2006), Lunga (2017) et Malaisse (1997).

Quant à la domestication des espèces sauvages, elle n’est pas courante dans la province du Kwango, mais les expériences réussies de la réintroduction des chenilles par ensemencement ont été rapportées par ISCO (2017). S’y ajoutent les nombreuses expériences en cours, et d’autres menées avec succès ailleurs, sur des espèces animales et végétales, tels que le Mfumbwa (G. africanum) (Mialoundama et al., 2007) et des papillons élevés pour la production des chenilles (Konda Ku Mbuta & Ambühl, 2019).

 

Conclusion 

La disparition des PFNL dans la province du Kwango est avérée et a été observée pour de nombreuses espèces animales et végétales. Au terme de nos enquêtes auprès de 332 exploitants et commerçants des PFNL, il est apparu que la principale cause de ce phénomène, identifiée par la grande majorité des enquêtés, est leur surexploitation, due à l’autoconsommation d’une population croissante et au commerce avec les villes de Kenge, Kikwit et Kinshasa. La perception de cette disparition des espèces s’est révélée forte, partagée par 84% des enquêtés.

Parmi les facteurs de cette bonne perception, certains sont subjectifs, les plus significatifs étant l’âge, les activités principales, la taille des ménages et le genre. D’autres sont objectifs et consistent dans les propriétés des PFNL et de leur exploitation, comme les espèces exploitées et commercialisées, le but de l’exploitation et les revenus générés par leur commerce. D’autres encore sont structurels, tels que les lieux d’exploitation et de commercialisation, et les mesures et les réglementations destinées à assurer la pérennité des produits.

Parmi les solutions pour lutter contre la disparition des PFNL figurent, en premier, des mesures réglementaires et des pratiques séculaires des habitants du Kwango, visant la conservation des produits grâce à leur exploitation raisonnée, durable et parcimonieuse. C’est le cas des calendriers limitant l’exploitation des produits à certaines périodes de l’année, des jachères agricoles régénératrices, et de la délocalisation des villages.

En deuxième lieu, la lutte contre la disparition des espèces consiste dans leur domestication, par l’agriculture et l’élevage. Peu courante dans la région du Kwango, cette technique est seulement représentée par la réintroduction des chenilles mikwati (C. forda) dans les savanes où elles avaient disparu, grâce à l’ensemencement des œufs de papillons recueillis dans d’autres régions. D’où l’intérêt de s’approprier et vulgariser les résultats des recherches menées ailleurs avec succès, pour la domestication de plusieurs espèces animales et végétales.

La connaissance approfondie des espèces et de leurs caractéristiques constitue un autre moyen favorisant leur préservation, leur exploitation judicieuse et leur domestication. Ces caractéristiques comprennent les exigences alimentaires et écologiques, les cycles biologiques et les organes utiles, les ennemis et les interrelations, la qualité des produits, et les techniques de culture ou d’élevage.

Recommandations :

En vue de garantir la mise en œuvre des réglementations et des pratiques protectrices des PFNL et des espèces, compte-tenu de ce qui est connu et pratiqué par les habitants de la province du Kwango, nous formulons des recommandations aux pouvoirs publics, aux ONG, aux chercheurs et aux exploitants de ces produits. D’abord, établir des inventaires actualisés de la flore et de la faune du Kwango. Ensuite, mettre en place des contrôles et une règlementation stricte de l’exploitation des PFNL et des pratiques préjudiciables aux espèces et à leurs biotopes, comme les feux de brousse. Enfin, former et sensibiliser la population sur les pratiques et les expériences d’ailleurs permettant l’exploitation judicieuse et durable des PFNL, et la domestication des espèces.

 

Bibliographie

Aube, J. (1996). Étude pour favoriser le développement des produits forestiers non ligneux. Central African Régional Programme for the Environment (Carpe)/Forestry Support Program/Usaid, Washington, D.C.

Biloso, M. A. (2010). Valorisation des produits forestiers non ligneux des plateaux de Batéké en périphérie de Kinshasa (RD Congo). Sarrebruck: Editions Universitaires Européennes.

Biloso, M. A., & Lejoly, J. (2006). Etude de l’exploitation et du marché des produits forestiers non ligneux à Kinshasa. Tropicultura, 24(3), 183-188.

Bocquet, E., Maniacky, J., Vermeulen, C., & Malaisse, F. (2020). A propos de quelques chenilles consommées par les Mongo en Province de l’Équateur (République démocratique du Congo). Geo-Eco-Trop: Revue Internationale de Géologie, de Géographie et d'Écologie Tropicales, 44(1).

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Fauré, Y.-A., & Labazée, P. (2002). Socio-économie des villes africaines: Bobo et Korhogo dans les défis de la décentralisation. Paris: Editions KARTHALA

Guillermou, Y. (1988). Procès de production et formes de surtravail dans les sociétés rurales africaines. Cahiers des Sciences humaines, 24(4), 471-485.

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